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Temps libres

Relation entre enfants et relations adultes/enfants. Voir descriptif détaillé

Temps libres

Relation entre enfants et relations adultes/enfants. Voir descriptif détaillé

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Ma question de départ est la suivante : Quelle est la place des temps libres en séjours vacances et l’intérêt de ceux-ci ? En m’appuyant sur des études de sociologues ainsi que sur mes expériences et observations je tente de répondre à cette question.

Pourquoi j’ai choisi ce thème ?

« Adultes, éducateurs, ménageons le temps de l’enfant. On reproche aux jeunes parfois d’être hyperactifs. Mais n’est-ce pas nous qui les enfermons dans un système hyperactif ? » [1]

Pour commencer mon article j’ai cherché à définir ce qu’était traditionnellement un temps libre et quelle place il occupe un sein d’une journée type. Exercice qui n’est pas évident, puisque chaque structure a des principes différents mais les points communs sont les suivants : Les temps libres sont des temps ou les enfants ont la possibilité de faire ce qu’ils « veulent », souvent dans un espace très limités, avec parfois très peu de matériels à leurs disposition. C’est surtout des temps juste avant ou après une activité sur un temps « mort ». Ils ont l’avantage de permettre aux animateurs de préparer une activité ou de souffler un peu. Ils ont rarement une réel place sauf parfois après le repas si un temps calme n’est pas mis en place ou au temps des douches si une activité n’est pas en parallèle.

Au sein de plusieurs structures j’ai eu l’occasion de vivre des séjours ou les temps libres avaient une vraie place au même titre que les temps d’activités. Sois ils étaient proposés en parallèle et les enfants avait le choix entre temps libres et activité, sois aucune animation n’était proposées et les temps libres occupaient la place principale.

Les principaux intéressés, les enfants, comment se débrouillent-ils lorsque les adultes leur laissent un lieu et un temps d’autonomie ?

« Cet arbre fut le havre, le centre de nos vacances. Tour à tour, nous en faisions notre cabane ou notre bateau pirate. Combien de fois m’étais-je hissé en haut du grand mât, dominant la mer infinie et le monde à mes pieds, défiant la hauteur vertigineuse et le tangage incessant des dernières branches ployant sous le vent ! Combien de galions chargés de tout l’or des Amériques avions nous pris à l’abordage ! (…) Plus haut, dans la mousse d’une fourche trônait le « fauteuil du capitaine », si convoité, si disputé. Ou cet autre siège, caché, lové au cœur du feuillage où j’allais seul, réfugié dans mes chagrins d’enfant. Quelle part considérable de mon imaginaire, de mon corps dans l’espace, de mon apprentissage du risque, de ma relation aux autres et au monde ai-je construit en jouant, en vivant dans ce Noyer Courbé ? » [2]

Comme Louis Espinassous, nous avons tous des souvenirs d’enfance, où nous jouions sans compter les heures. Si on observe les enfants en temps libres : ça fourmille de jeux, de rires, de courses et d’aventures... Les enfants investissent les espaces mis à leurs dispositions. Certains en profitent pour s’isoler, d’autres pour discuter et échanger des secrets, d’autres encore terminent ou commencent des bricolages appris en activité. Parfois une dispute éclate, car les temps libres permettent de faire émerger les conflits entre les enfants, plus que lorsqu’ils sont « bien encadrés » dans une activité.
Ils donnent également naissance à des projets d’enfants, je me rappelle notamment du projet « dormir dans nos cabanes » qui a vu jour suite à un temps libres où plusieurs groupes avaient construit des cabanes.

Je compare souvent récréation et temps libres, l’un s’inscrit dans le système scolaire l’autre dans les temps de loisirs et de découverte que sont les séjours vacances. Systèmes bien différent l’un de l’autre mais ou les enfants sont constamment sollicités et en groupe. Les temps libres et les récréations sont donc les seuls instants ou les enfants peuvent avoir accès à des temps de jeu « hors supervision » des adultes et échanger entre eux. A ce propos Julie Delalande dans son travail sur les récréations écrit : « Il est dommage d’ailleurs que la plupart des parents ignorent combien est important ce moment de la récré : moment de rencontres et de construction de liens d’amitié qui durent parfois toute une scolarité, instants de plaisir par le jeu partagé, de fous rires et de secrets ; en bref, moment de socialisation et de construction de la personnalité. » [3]

Les craintes des adultes, un frein à ces moments de « construction de la personnalité » ?

« Il était un cœur d’enfant, peuplé de bonnes intentions, vivantes, discrètes, et un peu difformes, comme un peuple de nains dans une ancienne forêt. Un adulte vint à passer, qui psalmodiait d’une voix grave des bons conseils et des chapitres de morale. D’avoir seulement entendu leur nom éructé par cette voix sonore, tous les petits nains sont morts de peur. Adultes, soyez moins bruyants. » [4]

A chaque fois que l’équipe pédagogique a décidé de mettre en place de vrai temps libres j’ai pu observer des animateurs en difficultés (moi la première !). En tant qu’animateur nous sommes garant de la sécurité physique, morale et affectives des enfants, il n’est donc pas évident de laisser des enfants en autonomie, sans surveillance. Cela fait vite ressortir certaines peurs chez l’adulte : et s’il y avait un accident, un conflit, une bagarre … ? Ces peurs nous poussent à être trop présents, à surveiller constamment, parfois même à vouloir contrôler les enfants. Pour l’avoir vécu, ces temps de liberté sont déstabilisant a plusieurs niveaux : tout d’abords parce que j’ai dû me confronter à ces peurs évoquées plus haut et cela m’a poussée à me questionner sur la question de confiance dans les relations adultes-enfants. En creusant, il m’est apparu qu’au-delà de ma notion de responsabilité il y avait un manque de confiance de ma part à l’égard du groupe d’enfant et de leurs comportements. Pourtant la confiance n’est-elle pas la base de toute relation ?

Un deuxième élément et la sensation qu’en tant qu’animatrice je ne servais a rien, je n’avais pas d’utilité lors des temps libres. Mon rôle n’était-il pas d’animer ? Ma formation BAFA et mes expériences professionnels m’ont amenée à considérer mon rôle d’animatrice comme celui d’éducatrice, ou chaque jeux et activités ont pour but d’apprendre quelque chose aux enfants, de les éduquer. En m’enfermant dans cette vision j’occultais le fait que mon rôle est également de les accompagner dans leurs apprentissages aussi bien dans la découverte de connaissances que dans leurs autonomies et le vivre ensemble. C’est en redéfinissant mon rôle d’animatrice que j’ai pu être à l’aise avec la notion de temps libres et commencer a vraiment établir une relation de confiance avec les enfants.

Ceci est mon expérience face à la relation adulte/enfants et j’ai pu observer les même difficultés chez d’autres animateurs pourtant certains font naturellement confiance aux enfants c’est peut être une question de personnalité. Mais cela semble également être un problème de société comme en témoigne cet extrait d’article sur les récréations écrit par Clemence Boxberger et Cécile Cara : « La cour apparaîtrait comme l’univers de déconstruction des apprentissages que les adultes s’échinent à transmettre aux enfants. Les relations entre pairs prendraient un caractère contre-éducatif, gouvernées par la fameuse loi du plus fort (Rubi, 2005), sans cesse combattue dans la classe au profit de valeurs démocratiques et citoyennes. Les relations entre pairs, fortement opaques, seraient ainsi propices à une sorte de retour à l’état sauvage dévoilant l’animalité de l’enfant, dont il conviendrait non seulement de se méfier mais qu’il faudrait également combattre par l’exercice d’un contrôle constant de l’enfant. Non sans rappeler les foisonnants débats philosophiques du XVIIIe siècle sur la nature humaine, cette représentation de la nature des relations enfantines justifierait ainsi cette volonté de contrôle des activités de l’enfant, les espaces-temps de liberté qui lui sont concédés s’étant considérablement réduits au cours de ces dernières décennies. » [5]

Temps libres ou et comment ?

Pour que les enfants s’épanouissent dans les temps libres il faut tout d’abord un temps suffisamment long et que ceux-ci se répètent durant les séjours. Les animateurs sont présents mais sans surveiller (sur-veiller), ils peuvent aider les enfants dans leurs activités ou jouer avec eux mais en faisant attention à ne pas interférer dans leurs choix. C’est également l’occasion d’établir de véritables échanges et discussions avec eux, d’individu à individu, en considérant l’enfant à part entière, et plus seulement le groupe d’enfants.

Il y a deux modèles de temps libres :
- à l’extérieur, en pleine nature, intégré dans un bivouac ou camp par exemple. Dans la nature, tout est là pour grandir et s’amuser. On y trouve des sensations oubliées ou nouvelles, des matières, des formes et des couleurs qui développent la créativité et l’imaginaire, des espaces où courir et sauter ou d’autres qui permettent de s’isoler et de se reposer, de quoi se questionner, ... Le dehors offre de grande possibilité pour les temps libres, mais il me parait nécessaire d’apporter des outils (couteaux, cordes...) et pourquoi pas quelques livres pour nourrir ceux-ci.

- au sein d’un centre de vacances (intérieur, et extérieur si le temps le permet). Pour que les enfants s’épanouissent pleinement à l’intérieur, il me parait nécessaire qu’il y ai plusieurs espaces et matériaux à leurs disposions où ils pourront évoluer en autonomie (salle peinture et créations, salle de jeux, photomaton...), et si possible des espaces qu’ils peuvent aménager à leurs grés.

Temps libres, tout est permis ?

Ces temps de liberté ne sont pas basés sur le laisser tout faire, chaque enfant ne peut pas exercer sans limites ses libertés individuelles, on pourrait parler, comme le préconise Freinet, de « liberté social », celle d’un individu au sein d’un groupe où un certain nombre de règle sont nécessaire. Il est donc important de rappeler que les règles de vie faites au début du séjour s’appliquent toujours.

Il y a d’ailleurs une complémentarité entre les règles, les savoirs-être que nous cherchons a transmettre aux enfants et les temps libres (Julie Delalande) : « Les règles qu’ils suivent - telles que la solidarité entre camarades -, ils ne s’y soumettent pas pour répondre au souhait d’un adulte, enseignant ou parent, qui aurait dans un temps antérieur prôné un tel comportement. Ils les respectent car ce sont les lois de leur groupe de pairs dont ils ont découvert l’utilité pour pouvoir « faire ensemble ». En les identifiant comme leurs valeurs propres, les enfants s’approprient donc certaines de nos valeurs sociales. Plus qu’ils ne les reproduisent, contrairement à ce que voudraient nous faire croire les modèles adultocentriques du processus éducatif, ils les retraduisent en fonction de la situation et de leurs besoins propres. Bien sûr, les apprentissages sociaux et culturels des élèves entre eux ne sont pas séparés de ceux qu’ils reçoivent des adultes. Les enfants apprennent à composer d’un univers à l’autre et l’expérience vécue entre pairs, dans une égalité de statut, leur permet d’intégrer les enseignements qu’ils reçoivent des adultes et, quand ils grandissent, de porter un regard critique sur ces instructions. Ainsi, la socialisation entre pairs fait partie du processus éducatif en ce sens qu’elle permet en quelque sorte la « digestion » d’éléments que nous cherchons à leur transmettre. Elle est indispensable pour que les enfants soient des acteurs de leur éducation. » [6]

Conclusion

« Et si au lieu de leur apprendre à parler, nous apprenions à nous taire ? » Fernand Deligny

Le temps libre permet à chaque individu de vivre des expériences en autonomie. L’adulte n’a plus l’objectif d’éduquer les enfants, il leur offre un cadre d’accompagnement sécurisé et sécurisant, qui leur permet de reprendre la maîtrise de leur séjour en les rendant auteurs et plus seulement acteurs de leurs vacances. L’objectif étant d’accompagner les enfants dans le développement d’eux même pour qu’il soit plus à même d’être libres et autonomes. Lors de ces temps l’enfant peut choisir d’être seul ou en groupe et de faire ce qu’il veut. Et c’est en faisant ce qu’il a envie qu’il va développer par lui-même des savoirs-faire et des savoirs-être en accord avec ses besoins. Il est donc important que l’adulte fasse confiance à l’enfant qui sait ce dont il a besoin. De plus les temps libres permettent également à chaque enfant d’avoir accès à un temps de solitude dans une vie collective très riche.
Je suis donc convaincue qu’il est important de laisser une vrai place au temps libres dans les séjours vacances, autant pour l’enfant, que pour les relations entre enfants et les relations enfants-adultes. Cependant ça ne seraient pas une réussite sans les moments d’animations qui permettent de nourrir les temps libres, d’entretenir la dynamique de groupe et de réguler les conflits émergents. Il n’y a donc pas une opposition entre temps libres et temps d’animations/activités mais une complémentarité qui permet, en plus d’accompagner les enfants dans l’apprentissage de la vie, de donner au séjour un vrai air de vacances et de liberté !

A compléter avec vos idées et expériences !

Notes:

[1Louis Espinassous, Pour une éducation buissonnière, Editions Hesse

[2Louis Espinassous, Pour une éducation buissonnière, Editions Hesse

[4Fernand Deligny, Graine de crapule, Editions du Scarabée

[5Clémence Boxberger et Cécile Cara, Bagarres de cours de récréations, socialisation enfantine et régulation des violences, Enfance & Psy n°63

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